
Du 1er juin au 6 juillet 2025, nous étions en résidence artistique et familiale à l’alliance française de Banjul. En découle un reportage photographique sur la pêche pour mon compagnon Daniel Mielniczek et une série de dessins qui dépeint la vie quotidienne dans ce petit coin si particulier du monde. Merci à l’équipe de l’alliance et tout particulièrement à Justine Guschlbauer pour son accueil.


À l’arrivée sur le tarmac, au cœur de la nuit, on comprend tout de suite qu’on a changé de monde : la chaleur moite et l’odeur de fruits trop mûrs, de fermentation, sautent au visage. Sur la route qui nous conduit en ville, ce sont les effluves du diesel qui prennent le dessus. La silhouette des palmiers et des grands manguiers se détache en ombres chinoises tandis que la voiture file, toutes fenêtres ouvertes. Aucun feu rouge pour nous arrêter, la vieille guimbarde trace miraculeusement sa voie.
Avec ses routes et trottoirs interrompus, ses constructions disparates et ses immeubles inachevés, la ville offre un drôle de visage. Colonnes doriques en béton et armatures métalliques qui affleurent d’un étage en devenir constituent ce singulier décors. Pas évident de se repérer dans l’enchevêtrement de rues sans plaque ni numéro. Quelques grandes artères nous servent de repères : Trafic Light, Westfield, Manjai junction. Là, les tuks-tuks, les vans asthmatiques et les taxis collectifs aux pare-brises étoilés composent un joyeux balais. La ville est vivante, vibrante, bouillonnante… Elle est sale et bordélique aussi: partout les déchets et les gravats jonchent le sol.



Tous les espaces de la ville sont investis. Les gens vivent dans la rue : ils y discutent, mangent et travaillent à l’ombre d’arbres protecteurs ou de gigantesques panneaux publicitaires. Sur les affiches on vante le monde moderne : la 5G et les nouvelles technologies, mais derrière la réclame, dans la poussière rouge qui recouvre ici toute chose, assis sur un vieux pneu, on fait toujours griller du maïs ou des cacahouètes sur les braseros.
Tout comme les hommes, les animaux occupent les lieux: chats, chiens, poules, chèvres et moutons déambulent librement, les vautours ont investi le terrain de foot voisin et lorsqu’un bœuf aux grandes cornes décide de traverser le rond point, il s’insère dans la circulation, entre un pick-up et une charrette poussée par deux ânes, sans que personne ne s’en inquiète.

Nous découvrons le marché de Serekunda la veille de Tabaski, l’une des fêtes les plus importantes en Gambie. L’effervescence bat son plein. Les vendeurs à la sauvette brandissent des hauts-parleurs branchés à plein volume, des hommes poussent leur brouette en tous sens, la cohue est totale dans le dédale d’allées étroites. Sur les étals : des fleurs d’Hibiscus et des fruits de Baobab qui servent à préparer de délicieux jus, de la pâte d’arachide, élément phare du Domoda et quantité d’herbes que je ne connais pas. On trouve également des Kabas, fruits charnus au goût acidulé, des okras et des piments variés, dont tout le monde raffole ici. Un peu plus loin les poissons séchés, frais ou plus très frais attirent les nuées de mouches autant que les clients, les poissonnières disparaissent sous les écailles.
Bientôt… J’arrive … C’est presque prêt…Autant de notions très relatives du temps qui passe. Être pressé relève ici du non sens, c’est pour ainsi dire hors sujet. L’instant présent est essentiel, il prime sur le reste. Tout problème trouvant toujours une solution, souvent inattendue, parfois loufoque, on apprend à faire de ces moments d’attente, des instants d’échange et de partage.

We are one, on est ensemble, voici une expression que l’on entend partout et qui dit bien l’importance de la communauté, des liens qui se tissent. Les marchands ambulants, les chauffeurs de taxis ou les pêcheurs, partagent leur quotidien comme leur nourriture, leurs éclats de rire et de voix. Ici en Gambie, je ressens pleinement le sens du mot fraternité et cela me réchauffe le cœur.
